(Par Benoît Blanc, blogueur indépendant)
Le 16 novembre 2019, Elisa Pilarski perdait tragiquement la vie dans la forêt de Retz, tuée par une attaque canine d’une rare violence. Depuis ce drame, son nom a été trop souvent oublié au profit de polémiques enflammées. Une polarisation stérile entre “anti-chasse” et “pro-chasse” a éclipsé l’essentiel : une jeune femme enceinte a perdu la vie dans des circonstances atroces, et la justice doit établir clairement les faits. Alors qu’un procès se profile pour 2024, il est essentiel de rappeler que ce drame humain dépasse les querelles idéologiques qui l’ont parasité.
Un drame transformé en bataille d’opinions
Au lendemain de la découverte du corps mutilé d’Elisa, deux récits se sont imposés dans l’espace public. Le premier pointait Curtis, le chien de son compagnon Christophe Ellul, comme principal responsable. Le second désignait les chiens d’une chasse à courre qui se déroulait dans la même forêt ce jour-là.
Ce qui aurait dû être une enquête méthodique et discrète a rapidement été emporté par une vague de passions. Des militants anti-chasse ont vu dans ce drame une occasion de dénoncer la cruauté supposée de cette pratique. De l’autre côté, les défenseurs de la chasse à courre ont riposté avec véhémence, accusant les critiques d’exploiter le drame à des fins militantes.
Mais cette affaire ne se résume pas à un affrontement idéologique entre pro et anti-chasse. Réduire un drame humain à des camps opposés est non seulement injuste pour Elisa, mais également nuisible à la recherche de la vérité. La polarisation a brouillé les pistes, détourné l’attention des faits et transformé une tragédie personnelle en spectacle public.
Christophe Ellul : un acteur central et controversé
Au centre de cette affaire se trouve Christophe Ellul, compagnon d’Elisa, qui a immédiatement rejeté la responsabilité de Curtis, affirmant que les chiens de chasse étaient coupables. Son discours passionné a renforcé la polarisation, avec les animalistes et militants contre les races dites “dangereuses” qui se sont rangés de son côté, tandis que ses détracteurs ont dénoncé un manque de cohérence et un refus de voir les faits en face.
Ellul s’est largement exprimé dans les médias, mais son comportement a suscité des interrogations. Perçu par certains comme un homme accablé par le deuil, il a également été décrit comme intransigeant, focalisé sur la défense de Curtis, parfois au détriment de la mémoire d’Elisa.
Des témoignages sur sa relation avec Elisa ont également émergé, soulevant des questions sur la dynamique de leur couple et sur son rôle dans les événements ayant conduit à ce drame. Ces éléments, tout comme les expertises vétérinaires et ADN qui désignent Curtis comme responsable, seront au centre du procès à venir.
Le procès : l’occasion de remettre les faits au centre
Dans les prochains mois, Christophe Ellul sera jugé pour “homicide involontaire par imprudence”. Ce procès est attendu comme une opportunité cruciale pour établir les responsabilités et recentrer le débat sur les faits.
Les expertises scientifiques, jusqu’ici, ont été claires : Curtis serait bien l’auteur des morsures mortelles. Mais cette conclusion n’a pas empêché Ellul et certains soutiens de continuer à évoquer une “manipulation” ou un “complot”, alimentant encore davantage la confusion.
Ce procès ne doit pas être un théâtre pour les passions ou les idéologies. Il ne s’agit ni de condamner la chasse à courre, ni de défendre aveuglément Curtis ou une race de chien. Il s’agit de rendre justice à Elisa, sur la base des faits établis par la science et la justice, et non des opinions ou des croyances.
Elisa, une victime trop longtemps oubliée
Dans cette affaire, le plus grand tort a été de reléguer Elisa Pilarski au second plan. Son nom et son histoire ont souvent été éclipsés par les querelles sur la chasse ou les chiens, laissant sa mémoire dans l’ombre. Pourtant, elle était avant tout une jeune femme pleine de vie, une future mère impatiente de construire un avenir, arrachée brutalement à ses proches.
Ce drame n’est pas un simple fait divers ou une tribune pour des débats idéologiques. C’est une tragédie humaine. Cinq ans plus tard, il est temps de se rappeler qu’Elisa était une victime, pas un symbole.
L’urgence de dépasser les divisions
Cette affaire est une leçon sur les dangers de la polarisation et des dérives médiatiques. Les réseaux sociaux, les plateaux télévisés et même certains militants ont trop souvent transformé cette enquête en un champ de bataille, où les faits scientifiques et judiciaires étaient mis sur le même plan que des opinions personnelles.
La mort d’Elisa Pilarski mérite mieux que des querelles partisanes. Ce n’est pas une affaire d’anti-chasse ou de pro-chasse, ni un débat sur les races de chiens. C’est avant tout l’histoire d’une femme et de son futur enfant, disparus dans des conditions terribles, et d’une justice qui doit enfin trancher avec rigueur.
Alors que le procès approche, l’enjeu est de dépasser les divisions pour rendre hommage à Elisa en rétablissant les faits et en évitant que son histoire ne soit à nouveau éclipsée par les polémiques.
(Benoît Blanc)
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