« On leur a pris Elisa ».
Les mots sont forts, vrais. Ces mots sont ceux de Maître Caty Richard, alors avocate de Nathalie Pilarski, et de Vincent Labastarde, la mère et l’oncle d’Elisa Pilarski.
Dépossédés, privés, volés de leur fille et nièce, les mots sont-ils assez forts pour décrire ce qu’ils ont subi depuis ce 16 novembre 2019 ?
Les réseaux sociaux se sont emparés de ce drame d’une manière jusque-là inédite. Certes, les faits divers ont toujours bonne presse sur les groupes Facebook (le petit Grégory, l’affaire Jubillar, l’affaire Daval etc…) mais cette affaire comporte tous les ingrédients d’un cocktail explosif : empathie, projection, idées reçues, complotisme…
Crime passionnel, viol, trophées de chasse, vengeance : rien ne sera épargné comme hypothèse à la pauvre Elisa, dont le deuil n’aurait dû être porté que par sa famille et ses amis.
Mais voilà, tout cela a pris une ampleur considérable, par différents versants. L’Union, journal local, avait « flairé » la bonne affaire : une femme enceinte, un « veuf » éploré, une chasse à courre.
L’information est reprise par des anti-chasses avec pignon sur rue : Rémi Gaillard, Hugo Clément, les AVA. Ces derniers ont beau s’en défendre ; quelques hashtags bien placés témoignent d’une volonté d’utiliser ce drame.
Le point de départ médiatique
Cette exposition médiatique va également être utilisée par Christophe Ellul et son clan, en distillant un scénario choc lors de ses interviews du 20/11/2019, des scénarios parfois contradictoires les uns avec les autres et qui varieront encore par la suite, au gré des révélations.
Le 20/11/2019, Christophe Ellul n’est pas le seul à répondre aux micros de BFM TV. Sa sœur Sandrine, elle aussi, donne son témoignage.
Elle y évoque sa « belle-sœur », disant que celle-ci a été « mangée » : des éléments de langage qui permettent de tirer quelques ficelles pour un soutien massif.
L’empathie : en évoquant comme sa « belle-sœur » Elisa qu’elle ne connaissait que très peu, et alors que Christophe était séparé, mais toujours marié, Sandrine s’inclut de fait dans la famille d’Elisa ; autre élément de langage qui sera utilisé largement sur les réseaux sociaux. Elle s’attire la sympathie, des soutiens et pour certains, des « soldats »
L’appel aux antichasses : « Il y a trop d’incidents (…) ; faut faire quelque chose ; faut bouger » ; faisant écho aux incidents de chasse, régulièrement dénoncés par les AVA, Sandrine Ellul, de fait, choisit de viser la meute de chasse à courre.
L’appel à l’imaginaire : on l’a assez répété, non, Elisa n’a pas été « mangée » au sens littéral. En utilisant ce terme, on frappe l’imaginaire et c’est ainsi que naît la théorie du « un seul chien ne peut faire ça ».
La stratégie Facebook
Si l’affaire fait déjà grand bruit dans les journaux, c’est sur Facebook qu’elle prend toute son ampleur.
Le lendemain de l’incident de la gendarmerie où Christophe a été mordu par Curtis au bras et à la cuisse, la « Page de soutien à Elisa Pilarski » est créée, véritable outil de propagande pendant de nombreux mois, où se percuteront mensonges et omissions (voir billet « La communication du clan Ellul).
Le 22/11/2019, alors qu’Elisa n’est pas encore enterrée, au lendemain de l’incident du refuge, où une bénévole s’est faite mordre sévèrement à la jambe par Curtis, Christophe Ellul partage la page de soutien sur différents groupes de chiens catégorisés, pitbulls, bullys, etc…
La cagnotte ne tardera pas à voir le jour.
Une autre ficelle est tirée, celle du délit de sale gueule : de cette manière, le clan Ellul s’attire la sympathie des amateurs de ce type de chiens. Curtis va ainsi être défendu parce qu’il est un pitbull, en criant haut et fort qu’il n’est accusé qu’en raison de sa sa race. Le clan Ellul a bien sûr omis de préciser que Curtis avait mordu à plusieurs reprises depuis le drame.
Des groupes Facebook commenceront à naître, sous l’œil averti de Sandrine Ellul.
Un recrutement va s’opérer au fil des semaines. Un groupe Messenger apparaît, avec un petit nombre, puis légèrement croissant. On y distille quelques « infos » non vérifiées ; mais ne peut-on pas faire confiance à la « belle-sœur » ? Elle sait de quoi elle parle non ?
Sandrine surveille les groupes, donne les instructions ; surveiller la « traitresse » Marjorie Tortosa , faire taire telle ou telle personne. « Tu penses que c’est une taupe ? tu penses qu’on peut lui faire confiance ? » en parlant d’une personne dont le discours lui plaît. Le « petit groupe » de Sandrine est en confiance, se sent privilégié , et est ravi d’aider la « famille » de la victime. Certains n’hésitent même pas à se faire passer pour des amis d’Elisa. Pourquoi s’inquiéter ? Ils sont sûrs d’être les mieux informés, en étant si proches du clan Ellul.
Quelques administrateurs et modérateurs de groupes passeront dans le « petit groupe » ; il faut faire circuler la "bonne parole"…
Sur les groupes, les affinités, les complicités se devinent : clin d’œil, private joke, émoticones. Le « petit groupe » se donne à cœur joie , se moquant des « moutons » qui pensent encore que ça peut être Curtis et que la chasse n’est peut-être pas impliquée. Ah, si eux savaient ce que nous on sait !
Les membres ont-ils oublié qu’on leur avait dit que le téléphone d’Elisa n’avait pas été retrouvé ?
Certains ne peuvent s’empêcher de faire des commentaires sur ce qu’ils savent : « on a retrouvé la muselière à côté de Curtis, quelqu’un l’a posé là, en plus elle était abîmée ». Nous apprendrons plus tard que la muselière d’Ice était en fait à plusieurs dizaines de mètres, propre et intacte.
Un soutien sans faille ... ?
Tel « le bachelor », Christophe Ellul donne plus de temps en tête à tête en mp à certains et certaines membres du groupe. D’autres se plaignent de ne pas avoir accès à ces temps privilégiés avec le compagnon d’Elisa. Les jalousies se font sentir.
Les membres s’investissent, parfois jour et nuit ; il faut trouver des éléments pour attaquer la chasse à courre ; rendre la confiance que le clan a donné. Certains s’épuisent à la tâche, physiquement, psychologiquement, jusqu'à oublier leur propre personne et de se protéger.
En parallèle, le comportement de Christophe interroge ; certains se posent la question de la solidité du jeune couple et de l’investissement émotionnel de Christophe. Auprès de certaines, Christophe se fait plus insistant, voire intrusif ; sollicitant des rendez-vous physiques, les comparant à Elisa. Une incompréhension s’installe, parfois même le doute : elles ne « sont pas là pour ça ».
La déception se fait sentir à l’entrée de nouveaux membres dans ce groupe « sous-marin » : « Ils font trop confiance, mais quand on regarde, c’est toujours Sandrine qui est derrière, c’est Sandrine qui est en train de tout foirer : Sandrine a besoin d’une notoriété, elle a besoin d’exister et elle est en train d’enfoncer l’histoire. Ca m’em….. de parler comme ça à leur sujet ; je tombe de haut, je suis un peu dégoutée, surtout par rapport à Elisa, la pauvre ».
La "belle-soeur" veille au grain
Sandrine poursuit sa surveillance sur les groupes et en administrera un. Les soutiens deviennent des amis Facebook. On s’échange des likes. Sandrine communique largement.
Pour Noël 2019, elle met en scène ses propres enfants avec des pancartes "Tata Eliza et Enzo". Quand il lui est fait la remarque que le prénom d'Elisa s'écrivait avec un S , elle se justifie : "Je préfère écrit comme ça"; puis elle refait finalement une série de photos. Tout est fait pour rappeler qu'Elisa est sa "belle-soeur" et le bébé à naître son "futur neveu", une "belle-soeur" et un "futur neveu" pris en photo à l'hôpital , photos que Sandrine tiendra à montrer, même à ceux qui ne le veulent pas.
Quand la famille Ellul descend voir Christophe dans le Sud-Ouest, elle n'omet pas de le signaler sur Facebook. Il faut que ce soit vu ! "Ils sont jaloux ! La rage ! Ils ont pas fini. On s'entend trop bien". Christophe est pourtant prié de quitter le domicile de Nathalie et Vincent, ce qu'il fera quelques semaines plus tard. Quelques mois après , c'est même une mesure d'éloignement qui l'interdit d'entrer en contact avec la famille d'Elisa.
A Rébénacq, la famille Ellul laisse une drôle d'impression; une première sensation déjà laissée lors des obsèques d'Elisa : "c'était très bizarre, c'était comme si , d'un côté, il y avait une famille en deuil; et de l'autre, une famille en représentation".
Elle navigue avec un faux profil ; « son petit groupe » est bien au courant. Le but est d’éviter toute contradiction et d’éviter de parler du fond de l’affaire. En MP, Sandrine se lâche : « Le groupe le sait ; mais eux doutent ; donc faut pas le dire. Je laisse planer le doute. Ils pensent que je suis un pompier ou gendarme sur les lieux ». « Je balance les screens de m…., fini leur jeu ». « Je vois comment je peux mettre en plein jour des bons trucs de m…. sur eux ».
Quand on s’étonne un mp « qu’un seul chien puisse manger son propre poids » (fake news régulièrement colportée sur l’état d’Elisa) ; elle ne corrige pas, ne contredit pas : « je vous le fais pas dire ! ». Tant que les gens croient quelque chose qui sert la cause, tous les moyens sont bons.
Des soutiens parfois perdus
Ils sont tous convaincus d’être là pour la bonne cause : certains se battent contre le délit de sale gueule, d’autres pour faire tomber la chasse à courre et obtenir l’abolition, d’autres contre l’injustice, de « puissants » de la chasse à courre contre le pauvre Christophe. La convergence des luttes.
Certains anciens soutiens doutent de Christophe , tout en se refusant à adhérer pour autant aux conclusions actuelles : « Je ne crois pas trop Ellul non, trop de contradictions. Je regrette juste qu’on ne scrute uniquement ses incohérences et pas les autres qui sont à mon sens tout aussi farfelues ».
En parallèle, le clan Ellul contacte aussi des soutiens avec pignon sur rue , Jean Thord dit « Coups de gueule » ; Junior Bigblackboy.
Ils sont des habitués des lives sur Facebook. L’affaire fait tellement le buzz qu’elle leur assure une visibilité plus grande que leur auditoire habituel.
A la sortie des résultats des ADN et des expertises, ils n’hésitent pas à les remettre en cause dans de nouveaux lives. Eux aussi font partie des privilégiés ; ils ont des « infos » que les autres n’ont pas. « Ouvrez les yeux ! Ne croyez pas ce qu’on vous dit ! ». La presse est coupable, à leurs yeux, d’un délit de sale gueule. La justice est accusée d’être à la botte de la chasse à courre. Comment pourrait-il en être autrement ? « Je ne peux pas tout dire, mais vu ce que je sais… ». Eux savent, Christophe leur a dit. La confiance est là.
Quelques soutiens réalisent que les résultats ne sont pas si « douteux » que le clan Ellul veut le faire croire.
Pourtant , lors de la conférence de presse, Christophe Ellul a ranimé la flamme de ses soutiens. Car la réalité de la conférence de presse est là, ce n’est ni à la justice, ni aux enquêteurs qu'il répond ce jour -là ; mais bien à ses supporters.
Sa sœur le soutient : « C’est la vérité ce qu’il dit. On ne parlait pas à cause du secret de l’instruction, pour laisser travailler la justice mais ce n’est pas respecté par l’autre partie. Il a eu raison de se défendre. Quand on entend autant de choses fausses et que vous êtes en train de bouillir dans votre coin, à un moment, vous ne pouvez plus vous taire. »
Un second coup dur sera porté avec la révélation du SMS « je le fais piquer » et des photos de Curtis sans muselière.
Les soutiens se réduisent ; mais certains persistent et signent.
Mais il est une constance ; beaucoup regrettent le manque de reconnaissance du clan Ellul en off : « Je me suis beaucoup investi ; jamais un merci ! » ; voire sur les groupes : « J’étais très investie pour Curtis et en relation avec la personne qui gérait la page de soutien. J’ai en amie la sœur de Christophe. J’ai passé des nuits et des jours à chercher des infos. Du jour au lendemain, plus de nouvelles de personne. Je suis persuadée que Curtis est innocent. Par contre, je trouve odieuse la façon dont ont été "jetées" les personnes qui aidaient.On ne sait même pas si Curtis est encore vivant ».
Certaines gaffes coutent chères…
Jean Thord jette l’éponge et refuse d’entendre parler de l’histoire.
Certains ont le cul entre deux chaises : d'un côté, ils ne font pas confiance aux Ellul et à ce qu'ils peuvent leur dire; mais de l'autre, ils restent persuadés que la chasse à courre est impliquée, sans pouvoir le prouver ou même l'expliquer.
Quelques soutiens indéfectibles... pour le moment?
Depuis le retrait des pages de soutien, il reste les publications régulières de Dany Lacroix et Catherine Chiara : un deal gagnant-gagnant, le clan Ellul peut ainsi encore communiquer sans s’exposer sur les réseaux sociaux ; et Dany Lacroix et Catherine Chiara peuvent ainsi utiliser le décès d’Elisa pour leur combat anti chasse, en diffusant leurs posts sur de multiples groupes de Protection Animale et anti chasse. Elles ont les informations de Christophe, pourquoi en douteraient-elles ? Leurs lecteurs ne connaissent pas vraiment le fond de l'affaire, ni les tenants et les aboutissants; mais tant qu'ils disent "Curtis est innocent" ou "c'est de la faute des chasseurs"; le but est atteint.
Toute cette communication se base là-dessus ; en étant si proches du clan Ellul, cela leur procure l’impression agréable d’appartenir à une avant-garde éclairée, de compter parmi ceux à qui on ne la fait pas. Certains se rendent compte tard, voire trop tard, qu’ils ont été utilisés, lessivés et essorés, jusqu’à ce qu’il ne soit plus utile à la cause.
Une autre question reste en suspens : Si le contenu de l’appel d’Elisa de 13h19 reste toujours une des interrogations du drame, le contenu de l’appel entre Christophe Ellul et sa sœur après la découverte d’Elisa reste encore à leur discrétion… Selon un proche, Sandrine serait "plus menteuse que son frère".
Deux parties, deux familles
La famille Ellul et la famille Pilarski/Labastarde sont deux familles biens distinctes ; et l’erreur était de penser que la première parlait au nom de la seconde.
Pour la famille d’Elisa , pour ses amis, leur Elisa, ce n’est pas celle des réseaux sociaux, ce n’est pas celle des photos Facebook ; ce n’est pas celle que vous vous êtes imaginée et à la place de qui vous parlez.
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