Fin novembre 2022, un petit événement a eu lieu, quelques jours après l’information que les mesures complémentaires sur le chien Curtis ne faisaient que confirmer la première expertise ; à savoir que la mâchoire de Curtis était compatible avec les morsures individualisables sur le corps d’Elisa Pilarski, décédée suite à des morsures de chien , le samedi 16 novembre 2019, en forêt de Retz.
En effet, Dany Lacroix, qui s’était chargée de la communication autour de Curtis depuis le retrait des Pages de « soutien à Elisa Pilarski », et du « Comité des droits de Curtis » , accompagnée de « Catherine Chiara » (nom d’emprunt en référence à Catherine Deneuve et sa fille Chiara Mastroiani) annonçait qu’elle allait être absente de Facebook pendant quelques temps et qu’elle ne rédigerait plus de posts concernant Curtis.
Cette absence n’en fut pas une, mais c’est plutôt Catherine Chiara qui prend maintenant la plume, s’affichant toutefois toujours avec Dany Lacroix.
Revenons sur la genèse du traitement si particulier réservé à la jeune Béarnaise décédée il y a maintenant 3 ans, que ce soit dans les médias ou les réseaux sociaux.
Un triangle amoureux
C’est l’histoire d’un triangle amoureux entre les médias, les réseaux sociaux et le clan Ellul, une histoire où la limite ténue entre amour et haine a fait d’un accident dramatique un fait divers exceptionnel au sens littéral du terme : l’affaire Elisa Pilarski.
De l'impossible deuil à la médiatisation
La nuit du 16/11/2019 au 17/11/2019, la vie de Nathalie Pilarski et de Vincent Labastarde s’est arrêtée. La perte d’un être cher est toujours difficile, mais quand il s’agit de sa fille unique (ou que l’on considère ainsi) ; la souffrance est éternelle : on n’est jamais prêts à perdre son enfant. Mais, cette nuit-là, ils sont loin de se douter qu’on allait , de plus, les priver de la quiétude nécessaire à faire leur deuil : médias, associations de protection animale, associations anti-chasses, appels anonymes se succèderont pour troubler leur tranquillité.
Les médias en ont ainsi décidé , l’antagonisme est toujours vendeur : ce sera les pro-chasses contre les anti-chasses. Une simplification à outrance pour un drame qui mérite une lecture plus approfondie.
Le premier journal sur le drame est le quotidien de presse régionale l’Union. Dans le podcast « Enquêtes » de Champagne, les journalistes Julien Assailly et Ludivine Bleuzé-Martin sont revenus sur le début de l’enquête et sur leurs sentiments de tenir une affaire hors normes et leur fierté d’être les premiers sur le drame.
Le podcast était prévu en plusieurs épisodes à l’approche du premier anniversaire de la mort d’Elisa Pilarski, ramenés finalement à seulement 2 épisodes suite aux résultats des expertises et des tests ADN.
« Dévorée »
« Dévorée », le mot est lâché par Ludivine Bleuzé-Martin, et va nourrir l’imaginaire collectif , tout en faisant du mal à la réalité des faits. La journaliste évoque le témoignage d’une femme affirmant qu’il « manquait des morceaux » et qu’Elisa avait été « mangée ».
Contrairement à ce qui a été interprété par de nombreuses personnes, il ne s’agit pas du témoignage de la voisine qui avait appelé les secours pour Christophe Ellul, mais le témoignage d’une personne proche du compagnon d’Elisa Pilarski, mis en examen depuis le mois de mars 2021 pour homicide involontaire. Un témoignage faisant écho au témoignage de Sandrine Ellul au micro de BFM TV le 20 novembre 2019.
Peut-on reprocher aux médias ce mode opératoire qui est le propre de la rubrique « Faits divers »? Tout l’équilibre est là, entre le besoin de rationaliser , d’informer, de « factualiser » d’un côté , parfois trop sérieux, et de l’autre côté, le besoin de créer de l’émotion , qui prime très souvent, car c’est l’ « émotion dramatisante » qui va attirer le grand public.
Comment transformer un accident dramatique , mais loin d'être exceptionnel , en une affaire médiatique hors norme
Me Terquem-Adoué expliquait que son avis était fait à la lecture des 2 premiers jours d’enquête ; Me Cathy Richard expliquait qu’elle avait conseillé à Christophe Ellul d’envisager que cela puisse être son chien.
Tout cela sans le moindre résultat ADN, ou la moindre analyse de morsures.
Le rasoir d’Ockham est tranchant : même sans les résultats qui mettront près d’un an à sortir, l’enquête avait déjà tout pour désigner le chien qui a tué accidentellement Elisa Pilarski; Curtis.
Un antagoniste alléchant
Mais le dossier d’instruction n’est pas le dossier médiatique ; l’antagoniste ayant toutes les qualités du bon vendeur de presse, tant elle est impopulaire : la chasse à courre.
Dans ce fait divers, point de mari disparu après avoir tué l’ensemble de sa famille, point d’épouse disparue sans corps retrouvé avec un mari faisant souffler le chaud et le froid, point de guerre entre clan Vuillemin et Jacob où le public n’a finalement découvert les protagonistes qu’en apprenant ces faits divers; la chasse à courre est déjà détestée et fait ainsi office de coupable idéal. Ils partent ainsi avec un gros désavantage devant le tribunal médiatique; le public ayant déjà une opinion pré établie à leur sujet.
C’est une des principales différences avec les faits divers les plus connus en France, un « suspect » déjà connu.
La fascination des faits divers
Comme dans tout fait divers médiatique, les groupes Facebook sur l’affaire Elisa Pilarski vont fleurir. Ceci n’a rien d’exceptionnel; et c’est la nature humaine qui veut cela.
Curiosité pour certains, voyeurisme pour d’autres; les faits divers exercent un pouvoir de fascination. Pour certains psychothérapeutes, le réel problème se situe lorsque la fascination devient admiration, comme cela peut être le cas pour certains tueurs en série.
Ces faits divers sont propices aux discussions et les gens peuvent retrouver d’autres personnes partageant leurs idées et leurs valeurs. Dans le cadre de l’affaire Elisa Pilarski, le terreau est fertile : animalistes, anti chasse, pro chiens catégorisés, chasseurs; il est relativement aisé de trouver quelqu’un qui partage ses valeurs. Ce serait toutefois une erreur de penser que les gens s’intéressant aux faits divers ont forcément un parti pris. Les faits divers permettent à beaucoup de sortir de la monotonie du train-train quotidien, en fournissant des émotions et des stimuli intellectuels; poussant à la réflexion.
Les médias ne peuvent alors s’étonner du retentissement qu’ils ont eux-mêmes créer. Peut-on traiter objectivement de l’affaire Elisa Pilarski lorsque l’on a été élevé dans un milieu profondément anti-chasse?
La subjectivité ne peut être totalement éliminée quand on traite un sujet comme un fait divers où l’émotion est le facteur X.
Pourquoi ce drame est extra-ordinaire
Comme abordé plus haut, une des choses qui changent par rapport aux faits divers plus « classiques » sur les réseaux sociaux (Dupont de Ligonnès, Jubillar, le petit Grégory) , c’est la nature même de l’un des suspects. « LA meute », « LA chasse à courre »; oubliant presque que le témoin assisté accusé par le mis en examen et une partie des réseaux sociaux porte le nom de Sébastien Van Den Berghe. L’accusé devient une entité. Elisa n’est, dès lors, plus le centre d’intérêt et de focalisation; mais une simple « raison de plus » de détester la chasse à courre; une flèche en plus dans le carquois des antichasses. Plus question de chercher quel(s) chien(s) aurai(en)t pu tuer Elisa Pilarski; mais seulement question de trouver des éléments qui pourraient accuser « la meute » : « La meute » ne pouvant être que la seule coupable, tout ce qui peut accuser Curtis est forcément faux, truqué.
Cette théorie du complot a été indéniablement nourrie par certains médias , qui évoquaient des témoins qui auraient vu un lâcher de chiens à 13h, sans leur donner la parole (et en changeant finalement les horaires), rédigeant une demi-page sur l’emploi du temps du lieutenant-colonel Metras, ou évoquant les maux digestifs du piqueux, devenant pour certains la preuve qu’il a été témoin de la mort d’Elisa.
Les sources sont parfois empoisonnées; certains journaux avaient avancé aussi que Curtis avait déjà mordu Elisa lors d’une altercation avec un chat, alors qu’il s’agissait bien d’un chat. Les sources sont parfois « inquiétantes », mais on les conserve tant qu’elles restent « utiles »…
La théorie du complot est très souvent auto-suffisante; mais, pour la défense des «complotistes » de l’affaire Elisa Pilarski; de nombreux éléments objectifs ont nourri cette théorie du complot; et c’est là où se situera la différence entre théorie du complot et désinformation.
Les médias ont joué leur part en juxtaposant les informations délivrées par le procureur à des éléments provenant d’une autre source , sans en vérifier la réalité (les « morsures » sur Curtis); cet élément essentiel sera fact-checké par le Courrier Picard qui sera le premier à corriger cette fausse information sur l’état de Curtis, suite au drame.
Mais le coeur de ce qui a nourri les «complotistes », ce sont les réseaux sociaux… et ceux qui les ont exploités pour défendre leur cause…
Suite dans la prochaine partie
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